18 juillet 2009
Cimetière de Sapanta, cortège de représentation -Râvie de te connaître ROUMANIE -Les Maramures-
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Cortège de représentation -Cimetière "Gai" de Sapanta-
Voir aussi, 1 / 2 / 3 / 4 / 5 - Carte |
"Chère Iona, je fais suite à mon premier courrier, pour te présenter Sapânta "cimiterul vesel", tu te rappeleras quel fut mon étonnement de découvrir que tu ne le connaissais pas lorque je t'en ai parlé . Chaque étape de ce voyage réunira une journée qui m'a ébloui par son caractère hors du commun. Je t'offre ce premier jour avant notre rencontre."
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ETAPE 1
1er jour
Après avoir traversé le col de Huta, nous arrivons au petit matin dans le village de Sapanta dont l'originalité est le cimetière "Vesel". C'est à 19 km de Sighetu Marmatei pas loin de la frontière ukrainienne dans le Judet des Maramures, au Nord. Cette ancienne ethnie de Transylvanie de la "contrée de Oas" conserve ses traits caractéristiques des montagnards des Carpathes Orientales qui vivait des ressources agricoles et pratiquait le commerce. Leur culture religieuse est différente par la divination qui dévoile l'avenir comme le passé (le caché) et l'initiation avec un calendrier basé sur l'observation du temps.
Nous nous dirigeons tout de suite au camping nommé "Poieni" qui est desservi par la même route qui va au cimetière et qui remonte la rivière "Tisa", affluent du Danube qui prend sa source en Ukraine et fait le tour des Carpathes par l'Ouest.
Sapinta, le "cimetière joyeux" aux couleurs éclatantes est un véritable musée ethnographique. Cet "art naïf" ou "art populaire" est un véritable livre d'images qui immortalisent le défunt avec un trait de caractère sculpté sur une croix de bois ciselée, surmontée d'un auvent comme les portails typiques de la région de la vallée d'Iza. Sur chaque stèle, est dépeint la vie du défunt par une scène de vie qui le représente en mouvement avec au-dessus son portrait. Elle est accompagnée d'une anecdote narrée, placée en épitaphe. Ces vers sous forme de poème racontent avec l'humour roumain quelques anecdotes. Le tout agrémenté de frises colorées, de colombes et petits coeurs. Sur certaines d'entre elles, une face raconte sa vie et l'autre sa mort.
Son nom de "Cimetière joyeux" vient d'un touriste français qui trouva la lecture joyeuse des passions enterrées et offre une autre vision de la vie à la mort, la vie qui triomphe pour nous accorder cet instant de lecture pleine d'esprit. Cette impression ne peut prendre effet que quand les circonstances de la souffrance sont consumée par le temps. Car la mort est le voyage suprême qui apporte le bonheur car il enlève le temps et l'ennui. L'heure de notre mort ne nous est pas dîtes à l'avance, alors profitons de cette transition avec le dernier voyage qui sera rédemption.
Ici, c'est moi qui repose |
" Aci eu ma odihnesc Pop Grigore ma numesc Mie mia placut tractoru Cu sticla samstimpar doru Am trait tot suparat Ca tata mic mau lasat Poate asau fost soartea mea Tinar sam lasat viata Moarte iute ma luai L'a 33 de ani " |
Sur cette stèle, il est décrit l'accident mortel survenu à cet enfant renversée par une voiture.
"Que tu brûles en enfer taxi qui venait de Sibiu. Aussi grand que soit le pays, tu n'as pas trouvé place pour t'arrêter ailleurs qu'à côté de notre maison, pour me renverser moi et pour faire de la peine à mes parents. Il n'y pas de plus grand malheur que de perdre son petit. Mes parents vont me pleurer pendant toute leur vie. Tu seras dans nos pensées pour toujours. Morte à 3 ans, en 1978. (2001)
"Ici repose Dumitru Holdis |
"Aci odihneste dumitru holdis Atrait 45 de ani mort de Moarte fortata la 1958" |
La Tuica (alcool très fort) est un venin propre qui apporte souffrance et pleurs, comme à moi. La mort sous les pieds, elle m'a conduite...
Si vous aimez la Tuica comme moi, il vous arrivera la même chose qu'à moi.
J'ai tant aimé la Tuica que je suis mort avec elle entre les mains.
Ici repose Dimitru Holdis - 45 ans, mort de mort forcée en 1958.
Je suis plus fort que toi, regard bien chrétien, parce que je la mort. En ligne je vous mets tous...
"Venez vous tous, je vous offre de l'alcool de prune, buvez ce verre afin d'oublir vos peines. Je vais vous donner de l'eau de vie au baril et vous verrez double ! Quand j'étais en vie, j'avais l'habitude de produire la Tuica ! Maintenant, j'ai quitté tout cela. J'avais 54 ans." |
"Venit cu toti eompreuna Sa va dau tuica de pruna. Sa mise din acest Pahar Sa va treaca de amar Va dau tuica din din Butoi. Si unu ii Videa doi Pin-am trait à vecie Am avut si palincie Toate acestea le lasai La 54 de ani" |
"C'est là que je reste, moi Gheorghe moldave de mon nom. |
"Eu aici ma odihnesc modave Gheorghe ma numesc Cit dans lume mi-am trait Cu CAll mult am muncit Si-acum vin EH cal calare Aduc Iemne de vanzare La omul soins nu sont lar drumu mi-sa umbrit Ca iute eu I-am parasit Am venit la hodinit Comme fi vrut sa mai traiesc Nu sa vin sa putrezesc Lumea asta o 59 de La lasai par intérim M. 1986" |
Chaque tombe nous amène à connaître un peu de l'histoire de cette vie, de ce village des Maramures et le plaisir de déambuler dans ce lieu qui remonte le temps.
Nous rencontrons des bergers, des agriculteurs, soldats mort à la guerre, des musiciens... plus de 700 tombes aux significations très originales. Il est associé à la culture des Daces (pour les Romains) qui s'associe à l'immortalité car le passage de la vie à la mort était considéré comme vers une vie meilleure.
Musicien
La présence des morts parmi les vivants, ainsi que les souvenirs qui les maintiennent présents comme le portrait peint est plus qu'une oeuvre d'art naïf. L'image du défunt pris dans la force de l'âge rappelle aux croyants qu'ils sont parmi eux. Il en est de même pour les photographies au domicile du défunt qui au niveau spirituel peut être une image rassurante par la représentation concrète d'un mort vivant et permet de conserver le souvenir vivant par cette apparence. Cette présence peut inhiber chez l'entourage du défunt la peur de la mort qui apporte souffrance par la séparation. La période de deuil doit être considérée comme une étape dans la communion pour intérioriser cette peine à la perte d'un être cher. Faire le deuil, c'est prendre le temps d'estomper les sentiments et de les maîtriser pour que l'insupportable soit surmonté. Ce travail de deuil peut s'accompagner épisodiquement de troubles (allergies, asthme, eczéma... ) par des moments d'évocation. Si inconsciemment, il est évoqué, il rappelle le phénomène des revenants et sont alors surnommés "fantômes".
Cette représentation culturelle permet d'intérioriser le souvenir avec une image toujours présente qui est l'invisible de la tradition des Maramures.
Homme à la casquette
Le rituel du décès fait que le défunt reste trois jours chez lui afin que les parents et amis puissent se recueillir. Au moment de l'enterrement, le cercueil fait un cortège dans tout le village pour un dernier "au revoir". Puis de l'église, il rejoint le cimetière et un repas est organisé chez la famille avec le Pop qui y assiste. Ce repas est appelé "Pomana" qui est constitué d'un riz pilaf à la poule, de sarmalés (feuilles de choux farcis), ... 45 jours après une nouvelle "Pomana", puis 6 mois après et chaque année, le défunt est commémoré.
A vos couverts
Nous voyons la tombe de Ioan Stan Patras (1908-1977), le menuisier qui eut l'intitiative de créer dès 1935 avec toute son énergie ce lieu culte. Il a également conçu la sienne qu'il rejoignit en 1977. Mais, l'idée fit son chemin et trouva un successeur "Dimitri Pop", dit "Tincu" qui entretient ce lieu noyé dans la verdure tachetée du même bleu profond symbole d'espoir et de liberté. Sa teinte délavée par le temps s'égaye d'un coup de pinceau par les mains de "Tincu" et prend le nom de "Bleu de Sapanta" au même titre que le "Bleu de Voronet".
Stan Ion Pătraş créa son épitaphe avant sa mort,
(Traduction)
Fondateur du cimetière joyeux, Stan Ion Pătraş (1908-1977)
Quand j'étais petit, on m'a appelé Stan Ion Pătraş.
A cette lecture, braves gens,
qui sont les paroles de mon coeur que je vous confie,
"Chaque jour de mon existence, j'ai voulu apporter de l'aide à celui qui le demandait dans la mesure de mes moyens, sans vouloir un seul instant faire du mal à quiconque,
Ah, ce "Monde de Pauvres",
qui il y est très difficile d'y vivre...
Sur cette croix que j'ai commandée pour moi-même,
à deux de mes élèves qui l'on conçue à mon goût,
Turda Toader et Stan Vasile,
Que Dieu les protège.
Dès l'âge de 14 ans, j'ai dû gagner ma vie
en coupant du bois dans la forêt avec ma hache et mon "tapin"*
C'était un travail épuisant.
Mon père est parti à la guerre et il n'en est point revenu.
Nous étions trois petits enfants seuls contre tous les soucis et les méprises de la vie.
Ah, comme j'aurais aimé vivre encore plus, pour prendre le temps d'accomplir mes rêves...
>> Chaque épitaphe est écrit à la 1ère personne.
Son successeur "Dimitri Pop", dit "Tincu" fut son élève à l'âge de neuf ans. Il s'installa dans sa maison à Hoteni, pour prendre la suite avec son épouse "Geta".
En 1974, Nicolae Ceaucescu y vint pour le visiter tant sa réputation dépassée les Maramures. Cette oeuvre fait partie du Patrimoine de l'UNESCO depuis 2004 (code MM-IV-s-A-04832). Ce monument funéraire fut classé en 1998 au premier rang en Europe et au deuxième niveau mondial, après la "Vallée des Rois" en Egypte.
Agriculteur des Maramures
Le cimetière s'accompagne d'un monastère en bois, nommé "Peri" d'une hauteur exeptionnelle (75m) dont la construction débuta en 1995 et semble s'achevait doucement depuis 2003. Elle s'élève sur l'emplacement d'un ancien monastère qui date de 1391 construit par la famille Dragosesti (nobles des Maramures). La tour est un belvédère accessible aux visiteurs qui offre un panorama sur la Tisa, le plateau volcanique des montagnes Ignis, Piatra Sapantei,
Homme aux chevaux
Certains ont une la chance de vivre jusqu'à un âge respectueux, mais d'autres ont été fauchés trop vite par la mort suite à un accident (voitures, etc.)
Homme à la faux
Fileuse et son hommage
Au delà le cimetière, ce petit village reste imprégné de son isolement. Les journées, en été, sont rytmées par le ramassage du foin et 18 heures, heure où les troupeaux de vaches rentrent seul chez eux. Le soir, il est d'habitude, de voir les gens prendre le frais sur le banc contre leur portail, au bord de la route. La discussion s'anime autour d'un petit verrre pour les hommes, tandis que les femmes filent la laine.
A la sortie, les vendeurs ambulants vous attendent pour vous proposer la possibilité de ramener un souvenir de l'art. Ces objets sont accrochés aux branches des arbres et vont de la nappe brodée
Le cimetière se visite mais n'est pas gratuit.
Homme dans son verger
"Moi, le seul voyage qui m'intéresse, c'est la mort. Parce qu'on ne rapporte pas de diapos" -Wolinski-
Iona, cette page se termine, mais t'invite à retrouver d'autres nouvelles que je t'apporte au gré du temps sur ce post. Je t'embrasse bien fort, et je te remercie encore, pour cette joie que tu offres à la vue de ton regard.
A bientôt,
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Costume | Courrier à Iona | Maïs |
Carte
Si vous voulez connaître le lieu, c'est ici.
Bibiographie
Lecture : Malmorts, revenants et vampire en Europe de Jocelyne Bonnet
Le cimetière joyeux Sapanta - Edition Hesse, 1991
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Traduction : Français, Allemand, Anglais, Arabe, Hollandais
Parution : 18 juillet 2009
Mise à jour :18 juillet 2009
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Commentaires sur Cimetière de Sapanta, cortège de représentation -Râvie de te connaître ROUMANIE -Les Maramures-
- Sapanta, les Daces, les morts si proches des vivants, la vue panoramique sur la Tisa... Quel reportage fabuleux !!! Connais-tu le très beau livre fantastique de Jules Verne "Le château des Carpathes" qui est remonté dans mes souvenirs de lecture enchantée ? Remercie bien ton amie Iona pour cette visite fascinante... les photos de chacune de ces tombes : des chefs d'oeuvre... bises et merci de tes mots gentils chez moi, chère Pas à Pas à l'espace-Fée unique...
- Quelque part , c'est une bonne idée d'illustrer la vie ou la raison du decès . Ici , cela reste un sujet tabou, le cimetière reflète la tristesse tandis qu'avec ces couleurs vives , cet endroit perd son côté sinistre et apporte de la joie . Merci pour cette balade là bas ; je reparts d'ici avec toujours des connaissances en plus ...!
C' est un musée fascinant de talents que tu nous montres en visitant ce cimetière...la rudesse de leur vie...nous fait poser les bonnes questions , à nous les gâtés de la vie ...C' est très beau ,mais c' est à la fois triste
Merci pour ce voyage