14 octobre 2012
Karuč où le génie de l'oeil
<<Précédente |Accueil | Suivante >>
Nous y arrivons à la tombée de la nuit, l'heure où le soleil s'éclipse pour laisser filtrer une poussière d'étoiles sur l'étang. Le spectacle est saisissant tant la quiétude du lieu nous enveloppe. Mon oeil s'attarde sur chaque délicatesse positionnée comme dans un tableau sans aucune touche qui contrarie mon droit de rêver.
Arrivée à Karuc
Nous décidâmes d'y rester. Oh, combien le lieu semble être propriété de mon imagination par ces touches d'immatérialité et pourtant si réel. Les vacances sont pleines de promesses. Le temps s'écoule comme le sable entre mes doigts ; de temps en temps, je filtre un moment, pour vous le présenter.
Karuc est un trésor naturel et exige le respect.
Karuc, village de pêcheurs
Je m'imagine déjà, au petit matin, empruntant la barque qui fera tressaillir cette nymphée. Dès ce soir, je m'attellerai à boire la brume, et dès la nuit, je me lancerai dans cette masse sombre au milieu de tout. De mes mains, je creuserai le fond de l'eau à la recherche de cette vasque qui l'alimente. Je me glisserai jusqu'à sa source si pure et si fraîche, j'en oublierai ma peau qui crépite de chaleur, mes jambes approcheront la fraîcheur et là, je me délivrerai de l'été pour faire corps avec la nature. Mes pensées seront rincées.
Nénuphars
De là, je regarderai l'infini et la vue qui s'ouvre sur une multitude de collines qui parsèment le paysage. Je n'ai pas visité la baie d'Along en Asie du Sud-Est, mais je la définie comme sa soeur ou son oeil car cette étendue d'eau s'ourle de criques dont certaines roches karstiques forment des cavités d'où l'eau jaillit. J'imagine que de ce passage et derrière, les lacs intérieurs alimentés par les rivières souterraines font rugir la vie.
Là, devant moi, se produit le mirage sur le toit du silence. La vie semble s'arrêter, la nuit semble promesse. La nuit filtre la réalité pour laisser place à cette vision. Demain, dès l'aube, j'affronterai le pouvoir de la nuit pour rencontrer la réalité. Mais l'heure est infinie. Plus rien ne bouge sauf mon regard qui se perd dans le clair obscur. Mes yeux s'habituent et j'habite chaque méandre, chaque roche, chaque fissure. C'est dans les bas-fonds que cette nappe d'eau prend toutes ces nuances de bleu-vert qui me rappelle la Socca Slovène, le turquoise de Plitvice en Croatie.
Ici, le vent de la mer rebrousse chemin et le jour compose avec la nuit. Ici, les gens ont un esprit particulier. Ils sont le symbole du mariage de l'esprit et de l'esprit de la nature car l'architecture des maisons reflète cette poésie innée que l'homme détient pour façonner cette oeuvre. Sa connaissance rend hommage à la simple lecture des vents, les façades sont orientées suivant les vents dominants, leur emplacement est déterminé par les crues, leur dimension est à la bonne mesure, la juste mesure des êtres humains. Non pas modeste, mais suffisante, un espace qui convient et est en harmonie avec vos besoins.
Entre lentilles d'eau et nénuphars
Nymphée
Abandon dans les rosières
Il y a une maison en pierre avec deux fenêtres qui rappellent les deux yeux, c'est la maison du garde qui mesure seulement 9 m2. De cet emplacement, elle surveille les deux yeux, là où la pêche est prolifique. Elle a été conçue en 1952 et son histoire est liée à la vie des pêcheurs, au développement durable et aux besoins actuels qui ne doivent pas compromettre l'avenir, afin de préserver et satisfaire les besoins des générations futures.
Un peu plus loin, près de l'oeil Đurovoga, Caroly et Janko ont racheté une maison de pêcheur en pierre. Abandonnée, elle reprit élégance grâce aux soins qu'ils apportèrent pour rétablir son style. La maison est sculptée dans la roche. Les deux pièces principales sont devenues cuisine et salon.
Maison de Caroly et Janko
Exceptionnel par sa géographie qui fait ressortir que le niveau de l'eau du lac est plus bas que celui de la mer, ce qui permet de dire qu'il est une dépression crypto.
Karuc étonne et étonnera toujours par sa situation. Ce village est blotti sur les pentes au bord de cette nappe miroitante. Isolé de la route impériale qui fut tracée par le Maréchal d'empire français Mirmont pour relier Dubrovnik, par son nombre d'habitants qui migrent l'hiver pour se retrouver uniquement au nombre de deux. Deux comme les deux yeux que dessinent ces méandres, ces fosses sous-marines appelées "oka". Elles sont répertoriées au nombre de 30, mais la plus connue s'appelle Radus pour sa profondeur de 60 mètres alors que la profondeur moyenne du lac est de 6 mètres. Celle de Karuc a 28 mètres de profondeur, Volac s'approche des 24 mètres, à l'égalité avec celle de Krnjicko, puis viennent Djukovo, Kaludjerovo, Bazugursko, Bljaca, Vaskaund et quelques autres. Les habitants ont pris l'habitude de les baptiser des prénoms des anciens qui y résident. Et chaque prénom devint légende.
Des maisons flottantes habillent le bord tandis que frétillent carpes, ablettes (endémiques) et anguilles, dans ces eaux lacustres. L'eau abrite 50 espèces de poisson. Le lac a la particularité de fluctifier son niveau jusqu'à 5 mètres. L'eau est à température constante toute l'année.
Maison flottante
Baignade à Karuc
L'été à Karuc
Le lac abrite plus de 50 % des espèces européennes, soit 328. On estime à environ 200 000 le nombre d'oiseaux qui chaque année s'arrêtent sur le lac Skadar. Pélicans, hirondelles de rochers (Ptyonoprogne rupestris), hirondelles de mer à moustaches, le grèbe huppé, les buses, les corneilles mantelées, crabiers chevelus, guifettes moustacs, cormorans Furry en voie de disparition y résident. Sternes, hérons gris ou blanc... ne se lassent pas de quadriller le ciel, mais je ne peux pas confirmer cette assertion car à l'évidence, ils se cachent bien dans les rosières. Plus du quart de la population mondiale des cormorans pygmées y résident. 73 espèces sont migratoires et ce sanctuaire accueille l'hiver, toute une tribu d'oiseaux lacustres, ainsi que des vacanciers venant du nord de l'Europe pour échapper aux étendues gelées. Il y a même une espèce que l'on nomme "Pélican de Dalmatie". Ils sont difficiles à approcher mais vous pourrez surveiller leur décollage, voire scruter lorsqu'ils planent. Leur nid flotte sur des masses de tourbe dans les roselières. Au Monténégro, le nom local du pélican est "Panac". Si vous souhaitez connaître les espèces résidentes ou de passage, je vous invite à parcourir ce lien ou visiter la liste ornithologique du site de Avibase, partenaire BirdLife Européen.
La loutre est le seul mammifère aquatique du lac Skadar.
Chanson de Karuc
Du lac, sur la rive, autour de la montagne Durovo
Les garçons surveillent d'un oeil les filles, comme des faucons,
Le garçon droit avec la belle fille
sous l'oeil de Durovo.
Des gens merveilleux
Marchant dans la nature, pour se lier à elle.
Il se situe sur le lac Skadar (Skadarsko jezero en serbe) ou lac de Shkodra (en albanais), mais il est aussi connu sous son nom italien "Scutari". Le lac Skadar est une frontière naturelle entre le Monténégro et l'Albanie. C'est un des plus grands lacs des Balkans qui s'est imposé dans cette dépression karstique qui se situe à 28 mètres au-dessous du niveau de la mer. Il occupe la plus grande dépression karstique du continent. Sa profondeur moyenne est de 8 mètres avec 91 % d'eau libre et 9 % d'eau marécageuse. En fonction des saisons, sa superficie varie et peut passer de 370 km2 en été à 530 km2 au printemps. Soit 7 km de large en période d'été pour 14 km de largeur en hiver et 44 km en longueur, ces eaux rejoignent l'Adriatique par la rivière Bojana. Il est seulement à 25 km de la mer adriatique. Les eaux du lac proviennent partiellement de la rivière de Cernovic, elle est au 2/3 alimentée par la rivière Moraça qui se situe au Nord. Sa zone montagneuse (40 000 ha) est depuis 1983, classée "Parc national du Monténégro" et depuis 1995, la portion inondable qui se situe au Nord du lac, d'une superficie de 20 000 ha, fait partie de la convention de Ramsar, traité international pour la préservation des zones humides.
Karuc s'apprivoise. Le paysage s'offre à votre vue. Sa baie toute arrondie forme des yeux. Chaque oeil a son nom et chaque habitant a son oeil. D'où les prénoms des yeux de Karuc. Les habitants vivent avec la nature et la nature reste vierge, propre comme la source qui les fait vivre. Les dépressions ont permis que les eaux profondes remontent et créent un impact hydrogéologique localement. Sur ce grand plateau, les rivières entaillent la roche, les sources forment des bassins de draînage. A l'étiage, les maisons au bord de l'eau sont présentes, alors que le niveau phréatique s'accroît en hiver par les débits supérieurs durant les périodes pluvieuses. Autrefois, le poisson salé était entreposé sur les séchoirs abandonnés mais la pêche n'est plus fructueuse. Au loin, un radeau d'enfants est bercé par les mouvements d'Ana, Vania, ...
Anciens séchoirs
Karuc est connu également pour ses barques légendaires dont les bergers se servent pour amener les chèvres jusqu'aux nappes de nénuphars qu'elles raffolent. Elles permettent de pénétrer dans les ilôts de nénuphars qui se referment après leur passage. Ljubica Strugar a élevé toute sa vie les chèvres, seul l'hiver à Karuc.

BERGER sur BARQUE - Karuc, Montenegro (Rozafa, sept. 2008)
Le village de pêcheurs de Karuc fut la résidence d'hiver du Prince-Evêque Petar Petrović I (1830-1851) dit Saint Pierre de Cetinje qui la fit construire au 19ème siècle dans la première ou deuxième décennie. Cette forteresse est plus connue sous le nom de "La Tour de Saint Petar". Sur la façade de la tour, on aperçoit encore des meurtrières qui confirment le caractère défensif usuel de cette époque tourmentée. Après son décés, il est mentionné qu'en 1871, la tour fut utilisée en tant qu'école.
Résidence d'hiver du Prince-Evêque Petar Petrović I (1830-1851)
Au fond du lac, l'épave du navire "Skenderberg", coulé pendant la seconde guerre mondiale, attend les pirogues qui flânent à sa découverte.
Village vacances


A l'origine, le Montenegro s'appelait "La Zeta", mais pour échapper à l'emprise Ottomane, les princes-archevêques demandèrent la protection de Venise. Dès qu'un marin approcha la terre, il la nomma "Montenegro" qui sans difficulté dénomme "le mont noir". On attribue souvent ce terme aux forêts sombres qui recouvraient autrefois les Alpes Dinariques et pourtant, il semble plus probable qu'il fasse référence à Ivan Crnojevic (Ivan le Noir), le dernier dirigeant de l'Etat médieval de la Zeta qui en 1482, fuyant les forces ottomanes, se réfugia dans les montagnes du coeur du pays où il fonda la ville de Cetinje. La plupart des pays d'Europe occidentale utilise le terme "Monte Negro" qui a le même sens et remonte probablement à l'époque de l'influence vénitienne sur la région. Son sol fut brisé par les différents tremblements de terre et des pitons rocheux prirent place.
Podgorica dite "Titograd", capitale de Tito a remplacé "Cettinje", l'ancienne "capitale du trône" monténégrin où réside le président actuel.
Le Montenegro est une république devisée en 21 municipalités.
Pour rejoindre Karuc, il faut traverser le maquis parsemé d'herbes folles et une lande de roches où s'accrochent grenadiers et genévriers. Son sol aride rend la végétation peu abondante, tandis que dans les eaux du lac, 900 espèces d'algues, ainsi qu'une importante flore marine composée notamment de nénuphars qui recouvrent une partie du lac. La route descend du plateau et nous fait découvrir au détour du chemin la vue sur le village, sans aucun doute, c'est cette vue qui me restera à jamais quand je penserai au Montenegro.
Vous l'avez compris que je me sens très attachée à ce lieu si proche dans mes souvenirs et pourtant à 2500 km de chez nous.
Accès
A 10 km Est de Rijeka Crnojevica. Suivre la route le long de la rive gauche qui repart sur Podgorica.
Géographie
Le Monténégro est situé dans les Balkans, bordé au Sud, par la mer adriatique, à l'Ouest par la Croatie et la Bosnie Herzégovine, au Nord par la Serbie, au Nord-Est par le Kosovo et enfin au Sud-Est par l'Albanie.
Le territoire est de type montagneux et la forêt recouvre plus de sa moitié. Il forme l'une des régions les plus accidentées de tous les Balkans.
Le plus haut sommet est le Bobotov qui culmine à 2525 mètres.
La baie de Kotor fait partie des tableaux les plus célèbres et rappelle les fjords norvégiens.
Au Sud-Est, le long du littoral s'allonge par des plaines qui enserrent le lac Skadar.
Au centre, la vallée de la Zeta creuse un axe Nord-Ouest, Sud-Est, jusqu'à la capitale Podgorica.
Cilmat
Le climat méditerranéen rend les étés secs et chauds, voire caniculaires. A titre d'exemple, il faisait 48° degrés, vers le 10 août 2012.
La Bora et le Jugo sont les vents qui permettent de réguler la température du littoral.
L'histoire à rebrousse-poil
Le Monténégro fait partie de l'Union Européenne depuis le 15 décembre 2008.
En 2006, le pays obtient l'indépendance.
Au lendemain de la deuxième Guerre Mondiale, le régime communiste dissous le royaume.
En 1918, il fait partie du royaume de la Yougoslavie.
En 1910, le pays est un royaume indépendant.
Principauté indépendante.
Duché semi-indépendant.
Nota
De votre comportement dépend l'accueil dans chaque pays.
A voir
Sarcophage de Petar Njegos Petrovic
Le massis central, Durmitor
Le monastère orthodoxe de Ostrog
Le monatère de Kom
Sveti Stefan, îlot aux criques privées
Budva, le Saint-Tropez du Montenegro
Kotor avec son pavage, sa vieille tour dite"Sveti Ivan" en dialecte iekavien, serbe montenegrin
Les bouches du Kotor avec Rose, Kskar...
Perast, petit port
Cetinje
La ville de Bar avec le plus viel olivier "Stara Maslina".
Obodska, grotte cathédrale
Rostovo, nécropole
BIBLIOGRAPHIE
Escapade au Montenegro août 2012
Notre voyage | Carte | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
.......................
Vous aimerez peut-être :
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
|
Kees van Dongen |
Côté Sud |
Plitvice |
Pierre de RONSARD ou la douce vie |
Courtiser VENISE |
Merveille de la nature Diane d'Ephese |
...................................
Traduction : Français, Allemand, Anglais, Arabe, Hollandais
Parution : 14 octobre 2012
Mise à jour : 14 octobre 2012
<<Précédente |Accueil | Suivante >>
09 mai 2011
Les dunes de Merzouga ~Sablier du temps~
<< Précédente | Accueil | Suivante >>
Vous êtes ici >> Accueil|Carnets de voyage |Maroc | Les dunes de Merzouga
Nous discutions du temps qui passe et mes doigts tournèrent le sablier qui ornait le cuir de son bureau. Le sable me fit rêver à ces dunes imaginaires, si lointaines et hors du temps que l'on rencontre parfois dans les déserts.
Je lui demandais s'il avait visité Merzouga. Connais-tu ces dunes de sables ?
Je fus interpellé quand il me dit : "Les heures sahariennes".
Photo "Temps de pause, tant de poses", site de ma fille
Il me fit un bref descriptif géographique car j'ignorais sa situation.
Merzouga est réputé pour ses dunes car il est le plus grand erg du Maroc qui se trouve à 50 km d'Erfoud. Ils sont au nombre de deux avec Chigagan, pas nombreux ! Elles sont appelées aussi dunes d'Erg Chebbi et d'Erg Chigaga.
Puis, la conversation s'enrichit de son vécu avec ses souvenirs. Il avait la faculté de reconstituer sa promenade en la complétant de ses découvertes. Il reprit :
Ce sont donc les premières qui abritèrent notre bivouac dans le sahara marocain sur l'itinéraire des caravanes pour Tombouctou.
J'avais l'impression de passer une dune après l'autre, tant son visage se perlait de souvenirs qui remontaient pour ébaucher cet épisode.
Chèche
Le cordon se prolonge sur 22 km du nord au sud et sur 5 kilomètres d'ouest en est. Le sable a le pouvoir de changer de couleur au gré de l'intensité de la luminosité. Mais magie pour magie, il a également des vertus thérapeutiques. Il est dit qu'il a la vertu de soulager des rhumatismes, lorsqu'il est chaud.
"les sables qui chantent parfois remplissent l'air avec les sons de toutes sortes d'instruments de musique, et aussi le bruit des tambours et du choc des armes" Marco Polo
Un thé au Sahara
Bivouac
Les dunes sont les portes du Sahara et sont seulement à 40 km de la frontière algérienne accessible seulement par le vent. Le lac IRIKI fait frontière avec l'Algérie.
Au fait, connais-tu le chant des dunes ?
Ce phénomène m'avait été rapporté comme une légende écoutée par certains, refusée par d'autres. J'imaginais le sable chantait lorsque le vent le pénétrait. Or, il m'a été donné une autre explication car ce son émis est déclenché lorsque l'on marche sur le côté le plus pentu de la dune qui entraîne la vibration des couches de grains de sable qui se chevauchent et dévalent la pente (congère) en émettant par leur frottement une mélodie dont la fréquence peut aller de 60 à 105 Hz, selon la taille des grains et produire un son sur la surface de la dune appelé "chant".
Cette mélopée venue des cordes vocales de la Callas du sable confère un climat envoûtant. Des notes vocales se distinguent par leur puissance lorsque le sol mugit et vibre comme un tremblement de terre. Dualité du solide et du fluide qui se synchronisent pour offrir cette résonance acoustique. Quelle métamorphose !
Seulement 31 dunes qui mugissent sont répertoriés sur terre.
"Un corps est liquide lorsqu'il est divisé en plusieurs petites parties qui se meuvent séparément et il est dur lorsque tous les parties s'entretouchent" René Descartes
Mugissement
La conversation s'engageait sous une autre forme et me faisait penser à ses esprits qui rôdent dans le désert dont Guy de Maupassant décrivait dans sa nouvelle "La Peur". Mon esprit s'évadait, s'éloignait de la réalité, mais le son de sa voix me ramena à la discussion.
Réalité ou fiction
Dromadaire
Elles mesurent en moyenne 150 m, mais peuvent atteindre jusqu'à 884 mètres pour la plus haute. Elles sont alors appelées "Ghoust" car elles surplombent l'erg et permettent de voir les grands espaces plats, désolés car arides, souvent rocailleux (grès) appelés "reg". Il faut dire qu'à cet endroit, il n'y a pas âmes qui y vivent.
On dirait des collines d'où leur nom qui provient du mot néerlandais "duin".
A ce moment là, il évoqua les travaux d'un britannique Ralph Bagnold qui au début des années 1940 entreprit d'étudier les mécanismes de la formation des dunes de sable. Je n'ai retenu de ce phénomène qu'il était similaire à celui des dunes de neige ou celles présentes sur Mars car il était régi par la relation de proportionnalité. Universelle malgré des milieux si opposés.
Je ne connaîtrai pas les dunes qui chantent car rien ne semble bouger dans ce décor de sable. Je ne connaîtrai pas les tempêtes de sable qui empêchent la monotonie de figer le décor. Les vents réputés violents n'étaient pas du voyage.
Ce désert de sable est constitué de dunes transportées, toilettées par le vent et ressourcées par la pluie qui permet de créer des zones de patûrage. La végétation fixe les dunes dites mortes. Ces courbes au zone d'ombre sont comme un visage qui se gomme et estompe son maquillage pour reflèter ses nuances. Ces dunes dites vives ont l'allure de croissants et sont appelées "barkhanes". Elles se déplacent dans le sens du vent et suivant un certain seuil. La vitesse du vent diminue en fonction de l'altitude. L'érosion de la base de la dune dit socle permet le dépôt du sable, sur l'autre versant. Ce nouveau monticule est la naissance d'une future dune dont les paramètres de sa grandeur sont définis par "la loi d'échelle" qui est le rapport entre la densité des grains et l'interaction du vent sur le sable.
Le vent dit "Chergui" est redouté. C'est un vent chaud qui vient du Sahara qui ressemble au Sirocco.
Au loin Photo "Temps de pause, tant de poses", site de ma fille
Autour de moi, les pieds se dénudaient pour plus de sensations. Mes pas mouvaient dans cet équilibre car le sable chaud s'efface sur la touche de nos pas. Mes talons s'enfonçaient.
Puis, il ramena le fil de la discussion à son aventure qui avait commençait en fin d'après-midi.
"Le désert est beau, ne ment pas, il est propre" Théodore Monod
Le spectacle est pour bientôt. Il se déroulera en deux temps avec la promenade à dos de dromadaires pour aller admirer le coucher et le lever du soleil sur les dunes.
Auparavant, nous avons rejoins notre groupe pour préparer la traversée. Les dromadaires attelés étaient prêts. Beaucoup d'hésitation se mêlaient à l'envie du voyage car après être monté sur le dos du dromadaire, la bête semble énorme et nous positionne au coeur du problème lorsqu'on prend assise. Comment va t'on s'ériger vers le haut ? D'un coup, un sabot se projète vers l'avant et se démultiplie en deux temps pour s'élever sur ses longues échasses. Impressionnant, mais la sensation la plus forte est pour plus tard ! (vous vous doutez bien que nous venons pour les sensations).
Le départ est prévu une heure et demie avant le coucher du soleil pour profiter de la tombée de la nuit. Nous commençons donc à nous acheminer et le balancement rythmé cadence notre marche de dune en dune. Nous montons, puis descendons les dunes successives avec de temps en temps un petit crochet tout le long de la crête.
Notre guide marqua un temps d'arrêt à un point précis. Il posa ses chaussures car ces pieds élastiques s'adaptent au sable. C'est mécanique. Il est dit que le sable chaud soulage les membres. Je regardais ses pieds abîmés affronter la surface ridée par de grandes ondulations parallèles.
"Parler du désert, ne serait-ce pas, d'abord, se taire, comme lui, et lui rendre hommage non de nos vains bavardages mais de notre silence" Théodore Monod
La chaleur était toujours présente. Il faisait 45° au mois de septembre ! A l'horizon, se profile des mirages. L'étendue laisse percevoir des lignes de crêtes en arc de cercle. La mer de sable se profile sur plusieurs kilomètres, parfois du manteau de sable, des roches affleurent, comme un squelette accroché digne d'un crétacé. Quelle architecture !
Grâce à son image, nombreux sont les photographes qui essayent de surprendre son épiderme qui se nuance par son grain fin qui fréquemment passe du blond à l'ocre orangé.
Notre caravane s'enfonçait doucement dans cet état. Débarassé de mes pensées, de tous sentiments, j'allais à la rencontre du silence. Mes yeux vagabondés sur ce sable mouvant. Le jeu des ombres sur la jolie teinte rouge orangé des dunes dessinait harmonieusement le paysage.
Au loin, nous apercevons d'autres caravanes qui s'éloignent. Après avoir atteint le sommet de l'une d'entre elles, notre guide nous fait descendre sur le versant le plus abrupt. Impressionnant de dégringoler cette montagne de sable. La pente est raide vu de notre assise. Les pas du dromadaire s'enfoncent dans le sable et donnent une cadence soumise aux aléas de la stabilité.
Chaque dune a un nom.
A l'arrivée, à notre campement (jaima), le cérémnial du thé nous accueille avec des chants traditionnels accompagnés du tambourin. Trois thés pour rester dans la tradition berbère avec leur représentation, "Le premier est amer comme la vie, le deuxième est fort comme l'amour et le dernier est doux comme la mort", notre guide nous annonce.
Notre bivouac est posé dans un creux à l'abri des vents de sable. Il est composé de tentes berbères ornés de tapis multicolores posés à même le sable.
Puis vient le repas traditionnel servi par les touaregs devenus restaurateurs le soir pour nous servir les mets représentatifs de ce lieu : chorba, tajim et salade d'orange.
Sous ces vêtements ombrent nos guides Muhammad, amicals et disponibles. Ils parlent bien le français et l'anglais.
"On va au désert pour étancher sa soif de Liberté" "Son charme, le désert l'emprunte à l'éternité" extrait de "Aphorismes du désert de Ibrahim al-Koni
Son épopée me fait penser à ce peuple, les Garamantes, Berbères à peau noire, nomades qui traversaient le désert et faisaient le trafic d'ivoire, de métaux précieux et d'esclaves. Ces cavaliers d'où vient une partie de mes origines effacées par ce mélange entre l'Orient et l'Occident.
Nous nous installons pour admirer la voie lactée et nous fûmes surpris de voir des étoiles filantes.
"Vise toujours la lune, même si tu la rates, tu atterriras parmi les étoiles" (proverbe arabe)
Les rayons de soleil qui s'accroissent le matin, ouvre la vue sur ce paysage dunaire. L'immensité du désert à perte de vue est un panorama à savourer sans modération. Des traces de fennecs sont les seules marques de vie. Tout semble figeait. De temps en temps un scarabé s'entête à s'éloigner, vers où ?
Nous n'irons pas voir le lac asséché, car il est trop loin. J'aurai aimé voir cette étendue qui évoque un paysage lunaire car au vu des commentaires lus, cela semble saisissant. Le sol est craquelé et fait ressortir des formes découpées qui rendent ce payage comme à nul autre pareil.
Notre bivouac prend fin pour nous ramener.
Notre marche nous amène vers la plus grande dune afin de surfer. Elle est anormalement grande, en forme d'étoile. Cette pyramide de sable est dure à gravir à en croire notre compagnon qui essaye d'atteindre le sommet avec son surf. La pénibilité semble égaler la neige, lorsqu'on veut faire de la luge. D'un moment à l'autre, il va atteindre le sommet et savourer cet instant avant de nous donner le spectacle de sa descente.
Malheureusement, il ne choisit pas le côté le plus ecarpé et peine à s'élancer pour nous démontrer les arabesques de son jeu. Il écume sa défaite, mais au grand dam, nos accompagnateurs prirent la situation en main et montèrent à tour de rôle dessus.
C'était irréel de voir l'homme bleu, avec sa djelaba, sur le surf. Le tissu flottait au gré du vent, la photo fut prise.
Guide au vent
Le chemin m'amène à penser à ces anciennes pistes du commerce caravanier qui ont fait l'histoire du désert. Je me sens cavalière, commerçante...
Que le mot désert est impropre à ce lieu qui a vu tant de caravanes s'élançaient. Les chameaux suivent la trace qui se perd à l'infini. La vie s'éveille au lever du jour dans le désert. Le camp est démonté, les dromadaires sont chargés, la caravane se met en route pour Tombouctou... Escale, chacun s'atèle à sa tache, le pain est mis à cuire dans le sable. La méharée reprend la route.
Dune
Le désert et le "Ramadan"
Quand je pense au désert et si je cumule avec le mot "Ramadan", je me rappelle l'absence unique des repas, l'abstinence. Nous avons beaucoup appris, en cette période de jeûne. Le pays semble s'épuiser des dernières forces, les gens ont un rythme ralenti jusqu'à la tombée de la nuit (rupture du jeûne >> 19h10 en 2010) et là s'opère le changement, l'échange, le partage et la convivialité.
Bien sûr, il faut éviter de se présenter au regard en mangeant, en buvant, mais qu'importe cette absence devant l'immensité du vide à Merzouga. Fumer, boire de l'alcool sont des plaisirs (vices ou péchés) qui sont moins tolérer que s'alimenter en cette période la plus spirituelle de l'année. Il est recommandé de rester discret et de suivre les codes de "Bonne Pratique" afin de respecter les valeurs de ce mois sacré. La politesse est donc également de mise.
Il faut savoir que le jeûne n'est pas obligatoire pour les femmes enceintes, les personnes âgées, les malades.
Il peut également se rajouter le facteur chaleur suivant les périodes.
Vous pouvez vous faire servir un repas dans quelques endroits épargnés de la fermeture, du moment que vous n'êtes pas musulman. Il faut savoir que les marocains sont plus assidus à la prière et se rendent à la mosquée durant cette période, ce qui réduit l'activité par la fermeture des rideaux de fer des commerces à l'appel des hauts parleurs des minarets lors des offices religieux. Le tourisme est quelque peu perturber par le temps gagné par les siestes et les horaires d'ouverture sont adaptés à ce nouveau planning. Il advient donc, pour certains, de prioriser leur quotidien au détriment du tourisme qui n'est plus prioritaire. Là, il faut s'attendre, à cette étape, que le service ne soit pas fait de bonne grâce car cette pratique religieuse exacerbée a tendance à se faire ressentir dans leur comportement. Le respect est de mise.
Mais il ne faut pas oublier que le tourisme est source de revenus au Maroc et que l'échange va au-delà de la simple transaction. Le Maroc s'est enraciné de coutumes du temps du protectorat français et des communautés juives. C'est donc un pays tolérant même si l'hospitalité légendaire tend à s'évaporer dans les villes.
J'espère que ma réflexion n'est pas réductrice de cette période.
"Trab mounek ! (Ah, le beau pays !)" Théodore Monod
Les tentes de bivouac sont des abris pour les nomades. Leur toit est confectionné en poils de chèvres ou de dromadaires et surélevé par deux piliers à la verticale. Lorsque le climat est torride, des pans peuvent être remontés pour créer des courants d'air. Notre campement est monté en cercle afin de bénéficier d'un centre qui abrite notre repas du soir.
La vie du désert passe par la présence d'animaux. Les animaux qui cohabitent dans le désert sont les fennecs ou renards des sables, les scorpions blancs et bien sûr les caravanes de dromadaires.
Côté flore, les palmiers sont à l'honneur. Ne manquez pas de faire une pose autour d'une palmeraie.
Le sol peut être Erg (sable) comme Reg (cailloux).
Je remonte le temps. Voici la préhistoire.
Cette vie préhistorique, ensevelie par le désert qui à l'époque était formée de savane. Que sont devenues ces coulées de verdure balayées par l'harmattan, transformées en plateaux désertiques, riches en grottes et peintures rupestres.
Je rentre dans l'austérité, le dépouillement de l'extérieur, comme de l'intérieur face à cette vue unique qui ne peut laisser insensible le voyageur à la beauté du désert. On obtient la sérénité devant cette mer de sable qui semble pour moi, simple amateur, les prémices de la méditation.
Le désert méprise les frontières si chèrement acquises. L'horizon s'offre à vous sans obstacles. Les dunes sont modelées par le bon plaisir du vent. L'imaginaire est au aguet à regarder le ciel étoilé. Telle une comète, je me sens de passage. Si l'esprit "Touareg" pouvait me diriger par le simple fait de regarder les étoiles qui défilent comme Amanar (Orion) qui signifie "guide".
Les touaregs s'orientent la nuit en regardant deux étoiles "Tenâfelit et Tôzzert, dites "constellations du Navire" et qui permettent de se positionner par rapport au Sud. Ils connaissent chaque parcelle du ciel.
"Grain de sable,
grain de beauté ou de folie,
soit l'exception qui ne confirme aucun reg"
Thami du sitePhotoeil
Le soir est là, nous nous retrouvons dans le bivouac. Les kaimas (tentes berbères) sont prêtes à nous recevoir. Les émotions sont fortes après cette traversée qui nous confronte à ce paysage qui nous délivre de notre quotidien et face à notre dénuement, nous nous sentons purs devant la force du lieu.
Matin, sans lendemain. Le soleil s'élève lentement. Une lueur carminée injecte notre vision. Nous sommes là, rivés sur nos lits au milieu des dunes à redresser nos corps devant l'appel de cette clarté céruléenne pour profiter de l'éphémère levé du soleil. La vue chaloupe face à la force, chaque regard, puise dans son enfance pour libérer son sourire. Tel un Fauve, le soleil surgit, nous inonde de son or aux rayons safranés qui capte notre attention. Le sable se roussit, se brode de nuances pour nourrir notre attente et réchauffer l'aurore qui s'esquive. Le pari est jeté, c'est de le saisir dans son objectif. Mille clics déclenchent pour le garder en souvenir.
C'est ici que s'achève mon anecdote. Contente de vous faire partager mon ressenti par les odeurs, les saveurs, les rituels et de prolonger ses souvenirs sur ce forum par les échanges, les avis...
Je vous avez déjà présenté "La Mamounia" à Marrakech, Oualidia, El Jadida, bientôt vous pourrez parcourir le souk de Fès, cette ville culturelle à l'accent spirituel, la Médina d'Essaouira...
"L'homme voyage toujours en avant de lui-même" proverbe Touareg
Littérature
Darwin, Marco Polo, Guy de Maupassant, John Cage / Le dernier vol de Lancaster (de Sylvain Estibal chez Actes Sud, publication 2003)
Film
"Le dernier vol" de Karim Dridi
A voir également,
Dune de Tarfaya au Maroc, Dune du Namibie, Dune de chine,
Autres lieux
Cascades d'Atiq Tissint, Désert de M'Hamid, Dunes de Chagaga, Lac asséché d'Iriqui
Accès
50 km au sud d'Erfoud. 35 km de Rissani.
2 heures de pistes de goudron de Cheggaga
Ou loger
Au pied du désert à l'hôtel, la "Kasbah Mohayut". Accueil généreux, belle chambre climatisée avec salle de bains européenne. Décoration berbère épurée. Jardin intérieur avec piscine, entouré d'un patio en circulade ou s'égrène les chambres. Calme assuré. Le personnel parle français.
Prix : 40 € qui comprend chambre, repas du soir, petit-déjeuner (nuit au choix dans le désert ou à l'hôtel) + excursion à dos de dromadaire pour arriver au campement.
Possibilité de paiement par carte bleue.
Le + >> à notre demande, il nous a préparé pour le midi, une omelette berbère (tomates, fromage blanc... et le coup de main !)
Remerciements :
Les guides du 9 septembre 2010 ont contribué pour que cette randonnée soit marquée de souvenirs. Merci.
Liens
http://www.daniele-boone.com/page/23/
Bibliographie
Voyage septembre 2010
Photographies personnelles.
______________________________________________________________________________________________________________
d'autres articles,
Vous aimerez peut-être :
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
|
La Mamounia ~Saveur du luxe~ MAROC |
Côté Sud |
Marie Sarah CAMARGUE |
Pierre de RONSARD ou la douce vie |
Courtiser VENISE |
Merveille de la nature Diane d'Ephese |
.......................
Carnet de voyages
Traduction : Français, Allemand, Anglais, Arabe,
Parution de l'article, 9 mai 2011
Mise à jour : 22 mai 2011
<<Précédente| Accueil | Suivante >>